1.1 De l’entreprise processeur d’information à l’entreprise processeur de connaissances
     Avant toute chose, il est nécessaire de séparer le paradigme de la connaissance du processus organisationnel. Bon nombre d’analyses et de contributions au domaine du management des connaissances ont tendance à confondre ces deux aspects théoriques. C’est un écueil que nous tenterons d’éviter en commençant par réfléchir sur la notion de « paradigme ».
Aujourd’hui le chercheur en sciences de gestion évolue dans ce que l’on peut appeller le « paradigme de la connaissance ». Jean-Louis Lemoigne le désigne comme le « paradigme de la cognition ».
Un paradigme peut se définir comme un ensemble d’hypothèses partagées à une époque donnée. Il fournit une loi, une théorie, une application et un modèle qui donne naissance à des traditions particulières et cohérentes de recherche scientifique (Kuhn, 1972). Selon Thomas Kuhn, le développement scientifique dépend en partie d’un processus de changement qui n’est pas une simple croissance mais une révolution, une révolution scientifique. Un domaine devient une science dès lors qu’il possède un paradigme, c’est à dire un ensemble de postulats concernant la nature du monde partagé par les praticiens de la discipline. De même, Gaston Bachelard (1974) considère le progrès scientifique comme une suite de ruptures entre connaissance commune et connaissance scientifique. Le changement qui en résulte est donc de « se coiffer d’un type différent de chapeau pensant », un chapeau qui fait entrer l’anomalie dans la loi, mais qui, du même coup, transforme aussi l’ordre que présentent d’autres phénomènes. Pour Peter Drucker (2000) le paradigme est un ensemble de postulats de base qui siègent à la fois dans le subconscient des étudiants, des chercheurs et des managers.
Aujourd’hui, c’est la notion de connaissance(s) qui siège dans la tête de ces individus. Depuis une dizaine d’années, c’est tout le système économique et juridique qui est ré-inteprété sous l’angle de la connaissance. En économie, elle est mise en valeur à travers les marchés de brevets et certaines analyses de la firme (0.1.1). Pour les juristes, les questions de propriété intellectuelle et de biens publics apparaissent comme des sujets de réflexion pertinents (0.1.2). Les gestionnaires, quant à eux, s’attachent à étudier les modes de management de cet actif valorisable (0.1.3).