Avant
toute chose, il est nécessaire de séparer le paradigme de la connaissance
du processus organisationnel. Bon nombre danalyses et de contributions au domaine
du management des connaissances ont tendance à confondre ces deux aspects
théoriques. Cest un écueil que nous tenterons déviter en commençant
par réfléchir
sur la notion de « paradigme ».
Aujourdhui le chercheur en sciences de gestion évolue
dans ce que lon peut
appeller le « paradigme de la connaissance ». Jean-Louis Lemoigne le désigne
comme
le « paradigme de la cognition ».
Un paradigme peut se définir comme un ensemble dhypothèses
partagées à
une époque donnée. Il fournit une loi, une théorie, une application et un modèle
qui
donne naissance à des traditions particulières et cohérentes de recherche
scientifique (Kuhn, 1972). Selon Thomas Kuhn, le développement scientifique dépend
en partie dun processus de changement qui nest pas une simple croissance mais
une révolution, une révolution scientifique. Un domaine devient une science dès lors
quil possède un paradigme, cest à dire un ensemble de postulats concernant la
nature du monde partagé par les praticiens de la discipline. De même, Gaston
Bachelard (1974) considère le progrès scientifique comme une suite de ruptures
entre connaissance commune et connaissance scientifique. Le changement qui en
résulte est donc de « se coiffer dun type différent de chapeau pensant »,
un chapeau
qui fait entrer lanomalie dans la loi, mais qui, du même coup, transforme aussi
lordre que présentent dautres phénomènes. Pour Peter Drucker (2000) le
paradigme est un ensemble de postulats de base qui siègent à la fois dans le
subconscient des étudiants, des chercheurs et des managers.
Aujourdhui, cest la notion de connaissance(s)
qui siège dans la tête de ces
individus. Depuis une dizaine dannées, cest tout le système économique et
juridique
qui est ré-inteprété sous langle de la connaissance. En économie, elle est
mise en
valeur à travers les marchés de brevets et certaines analyses de la firme (0.1.1). Pour
les juristes, les questions de propriété intellectuelle et de biens publics apparaissent
comme des sujets de réflexion pertinents (0.1.2). Les gestionnaires, quant à eux,
sattachent à étudier les modes de management de cet actif valorisable (0.1.3).