0.2.1 La
firme processeur dinformation
De tout temps, les organisations ont appris à « gérer
linformation », à identifier
les informations utiles à leur bon fonctionnement, à les articuler les unes aux autres,
à en organiser la collecte et la distribution, à concevoir les moyens de leur
conservation. Le livre de comptes, le carnet de commandes, la fiche de paie, le
catalogue des produits illustrent cette démarche volontaire de constituer de manière
ordonnée le réservoir dinformations de lentreprise, son système dinformation
(Chaumont, 1997). Ainsi, les organisations ont longtemps été perçues comme des
boîtes noires traitant linformation avec une rationalité limitée (March & Simon,
1956). Dans cette optique, les managers trient linformation quils jugent utile et
sappuient sur ces données contextuelles pour optimiser le fonctionnement de
lentreprise. Ce dernier repose alors sur leur capacité à traiter de manière efficace
les
flux dinformation qui les traversent. La connaissance était alors perçue comme une
matière première se trouvant hors du processus de décision.
Selon la théorie économique, lexistence
de la firme est nécessaire puisque le
marché nest pas capable de réaliser « efficacement » ce traitement
de linformation.
Comme le soulignent les économistes Cohendet & Llerena (1999), la conception
contractuelle de la firme comme processeur dinformation est fondamentalement
celle dune explication à partir des défaillances du marché pour faire face aux
imperfections et aux asymétries dinformation. Ainsi, une entreprise existe car elle
organise, créée et capitalise plus efficacement les informations que le marché.
Comme le rappelle Michael Earl (1999), toutes les entreprises font depuis toujours de
linformation. Ce qui a changé cest que de plus en plus dentreprises définissent
leur
stratégie en termes dinformation ou de connaissance. Les NTIC servent alors à
baisser le coût daccès à linformation et à réduire lasymétrie
informationnelle décrite
par la théorie des coûts de transaction de Ronald Coase.
Linformation est ainsi devenue la nouvelle matière
première des entreprises.
Elle diffère radicalement de toutes les autres marchandises, en cela quelle nobéit
pas au théorème de rareté. Au contraire, elle relève dun théorème
dabondance
(Drucker, 2000). Si une organisation
vend un produit, elle ne le possède plus car elle
transfert son droit de propriété. Si elle communique une information, elle la possède
toujours. En théorie, si lon augmente le nombre dacteurs qui vont posséder
linformation, on augmente sa valeur par une amélioration globale de la
compréhension. Linformation est donc liée à leffet réseau mis en lumière
par
Internet et par la célèbre loi de Metcalf. Pour Robert Metcalf, fondateur de 3 Com et
dEthernet, la valeur d'un réseau (téléphone, fax, Internet, Intranet...) et des
services
et technologies qui lui sont liées est égale au carré du nombre des utilisateurs. Marc
Andreesen, créateur du navigateur Internet Netscape, illustre cette loi avec le
fonctionnement du téléphone: plus on raccorde dutilisateurs, plus cest utile pour
les
utilisateurs puisquils ont accès à un nombre croissant de personnes.
Bien évidemment la valeur dun réseau ne provient
pas uniquement du
nombre de machines connectées mais des flux qui y transitent. La plupart des
consultants commercialisant des solutions de travail en réseau semblent oublier ce
point : la loi de Metcalf ne concerne que des machines...et non des hommes. Comme
le rappelle aujourdhui le chercheur du CNRS Dominique Wolton (2003), ces derniers
ont beau être de mieux en mieux connectés les uns aux autres avec Internet et les
outils de communication classiques, ils ne se comprennent pas mieux pour autant.
Paradoxalement, plus les individus disposent doutils pour communiquer, plus ils ont
besoin de se rencontrer. Il est donc nécessaire de faire la distinction entre
linformation (un message) et la communication (la prise en compte de la relation
entre lémetteur et le récepteur).