Ce qui est indéniable aujourdhui, cest que
toutes les entreprises sont des
entreprises dinformation (Earl, 1999). Mais, « aidées » par les NTIC,
elles ont
paradoxalement connu « une fausse révolution de linformation » selon
les mots de
Peter Drucker. Les entreprises sont confrontées à une « surcharge cognitive »
sans
précédents et à un éparpillement de leur capital informationnel. Elles doivent gérer
une masse de plus en plus importante de données et dinformations tout en restant
performantes. Comment gérer toutes les informations disponibles ? Depuis cinquante
ans, on sest surtout intéressé à la technologie, à la donnée et à
ses modes de
transports. Aujourdhui on se penche sur linformation et sur le système dinformation
qui détermine les processus de recueil, de stockage, de transmission et de
présentation des données sans pour autant réfléchir à ses modes dutilisation.
Demain, il sera nécessaire de réfléchir sur son utilisation effective par les individus
et
son optimisation. Ce qui change dans léconomie de la connaissance cest la capacité
offerte à lhomme déchanger de plus en plus dinformation, instantanément,
vers
nimporte quel point du globe ou vers nimporte qui dans lorganisation. En revanche,
la capacité dabsorption et danalyse de ces échanges dinformation nont
pas évolué
au même rythme.
En effet, les outils de traitement de linformation (les
NTIC) ont leurs limites.
Comme la constaté le Prix Nobel déconomie Robert Solow, avec son célèbre
paradoxe, linformatique se retrouve désormais partout sauf dans les chiffres de
productivité. On ne peut donc espérer mettre en évidence limpact des
investissements en NTIC sur l'évolution de la productivité de léconomie. Dès
lors, la
justification de linvestissement informatique est devenue lune des préoccupations
majeures des dirigeants dentreprise. La ré-apparition dindicateurs comme le ROI
(Return on Investment) ou le TCO (Total Cost of Ownership) à la fin des années
quatre-
vingts dix dans les milieux informatiques en est lillustration.
Que constate-t-on aujourdhui ? Les entreprises
dépensent chaque année plus
dun trillion de dollars en informatique (Earl, 1999). Pourtant, non seulement les
économistes ne voient pas de corrélation entre les performances des entreprises et
ces investissements, mais les managers se plaignent de crouler sous linformation
disponible. Posséder la technologie nest donc pas une fin en soit puisquil faut gérer
linformation qui est véhiculée. Elles achètent des logiciels de gestion de linformation
pour la catégoriser, la classifier et la rendre utilisable sans pour autant réfléchir
en
amont sur le bien-fondé dune telle politique. Car faire confiance uniquement aux
logiciels nest quun leurre puisque les salariés ne fonctionnent pas à la vitesse
des
outils qui sont à leur disposition. Comme en témoigne Jean Pierre Corniou (2002),
directeur des Services Informatiques chez Renault, le taux dusage des
fonctionnalités des logiciels avoisinent les 10% en moyenne, et tout juste 30% chez
les utilisateurs les plus aguerris. Et même si un logiciel de partage de linformation
est
séduisant, les budgets technologiques des entreprises ne prennent jamais en compte
les coûts induits dapprentissage et de la résistance à cet apprentissage. Selon
Erik
Brynjolfsson, chercheur au MIT, ces dépenses « invisibles » représentent
pourtant
90% de linvestissement. Brynjolfsson désigne cette situation par : « the
information
technology productivity paradox ». Davenport & Prusak (1997) soulignent que la
plupart des programmes informatiques négligent le facteur humain car ils ne tiennent
pas compte du type dinformation recherchée par les individus ni de lusage quils
en
font.
Le
Commissariat Général du Plan (2002) établit le même constat au niveau macro-
économique. Si les NTIC jouent indéniablement un rôle majeur, il faut
mettre avant tout laccent sur le problème central qui concerne moins
laccès à linformation que la faculté de sen servir et, plus généralement,
la capacité dapprentissage de la part des différents acteurs concernés.
Davenport & Prusak (1997) ont constaté que les données collectées « sont
rarement
converties en information ou en connaissances. La transformation des données en
quelque chose de plus utile exige un niveau important dintelligence et dattention.
Encore une fois, la plupart des entreprises ne considèrent le problème que sous
langle technologique ».
Ainsi,
la ressource rare nest pas tant linformation que la capacité
dattention et dinterprétation des managers. Ce qui nous amène à penser
quil existe une ressource autrement plus importante que linformation en elle-même:
la connaissance et la capacité dapprentissage.