3.1.3 Vers une nouvelle typologie
Selon Aurélie Dudezert (2003), les problématiques de recherche sur l’évaluation des connaissances sont de trois types :
  • Quel objet évaluer ? Comment définir ce qu’est une connaissance ?
  • Quel type de valeur déterminer ? La valeur des connaissances est-elle stratégique ? Financière ? Opérationnelle ?
  • Comment concevoir des méthodes d’évaluation des connaissances opératoires ? Faut-il une démarche de conception particulière ?
Nous pensons que la problématique de la valorisation du management des connaissances entraîne une perspective double.
Valoriser l’acte en lui-même, le processus de gestion
      • Quels sont les projets menés ?
      • Quels résultats avons nous obtenu ?
      • Quelles success stories pouvons nous en tirer ?
      • Quel est la rapport coût de codification/bénéfices engendrés ?
> On étudie la rentabilité des actions de management des connaissances
Valoriser le produit issu de ce processus
      • Quels actifs immatériels avons nous générer ?
      • Quelle valeur financière pouvons nous attacher à ces actifs ?
      • Quelle valeur ajoutée immatérielle avons-nous créer ?
      • Quel est le retour sur les investissements immatériels ?
> On étudie la rentabilité des actifs immatériels crées par le KM
Valoriser l’acte en lui-même (1) revient à réfléchir sur les apports d’un processus de gestion dans une entreprise, avec l’image d’une connaissance dynamique. On traite alors la question comme une problématique classique d’évaluation d’un investissement dont la seule particularité est d’être « intellectuel » (Pierrat, 2000). C’est donc la rentabilité des actions de management et de l’effort de codification et d’apprentissage qui seront étudiés. 
Au contraire, valoriser le produit issus de ce processus (2) nous amènera à considérer la connaissance comme un processus statique, un actif de nature immatérielle. Il s’agit alors d’observer le capital intellectuel que le management des connaissances crée ou détruit et d’en inférer une mesure de la valeur qui y est incorporée (Pierrat, 2000). C’est la liaison entre l’accumulation des connaissances sous forme d’actifs « intellectuels » et leur valeur financière qui peut être étudiée.
     Dans le premier cas, ce sont les actions générées par le service KM qui nous évaluerons, dans le second cas ce seront les actifs immatériels et les produits dérivés de la connaissance (information et brevets) qui seront étudiés. Nous développerons ces deux dimensions dans notre typologie basée sur deux axes :
      • l’objet de la valorisation (le processus KM ou les produits dérivés)
      • l’objectif de la valorisation (l’augmentation de la visibilité ou de la valeur)

>Valoriser l’acte en lui-même, le processus de gestion
- Améliorer la visibilité des initiatives de management des connaissances. Cela permet d’encourager le management des connaissances en développant un apprentissage par l’exemple. Les leviers pour améliorer la visibilité du KM sont : la communication, la qualité totale ou encore les outils de communication. Ces initiatives peuvent jouer un rôle prépondérant pour injecter des processus de gestion de connaissances en fonction de la stratégie de l’entreprise. Par exemple, une entreprise qui souhaite décrocher une norme de qualité peut formaliser des pratiques de gestion des connaissances par ce biais et valoriser ainsi cette pratique.
- Augmenter la valeur du processus de management des connaissances. Ici, l’apport de ce processus sur la performance de l’entreprise à travers des indicateurs de performance peut être étudié. Une autre manière d’augmenter la valeur est de créer des micro-marchés de connaissances au sein même de l’entreprise. Comme l’ont constaté Le Bas et Guilhon (2001) ou Duizabo et Guillaume (1996), certains connaissances peuvent s’échanger en fonction de leur spécificité et de leur dimension humaine. Le cas de Hewlett Packard développé dans la partie suivante en est l’illustration. Certains chefs de projet KM peuvent également mettre en place des indicateurs classiques de suivi de projet pour prouver la valeur de leur service. Chez Lafarge, par exemple, la Knowledge Manager a tout de suite montré son apport à l’organisation en augmentant de manière spectaculaire le nombre d’employés inscrits sur l’annuaire en ligne de 20 à 85% en quatre mois ! Il faudrait par exemple, dans ce cas présent, quantifier les gains de temps réalisés par l’entreprise.

>Valoriser le produit issu de ce processus
- Améliorer la visibilité des produits dérivés du management des connaissances. Les quasi-marchés de connaissances permettent à l’entreprise de générer des revenus à partir des connaissances formalisées dans des brevets, des licences ou des bases de données. Il faut pour cela développer une véritable politique de management de produits dérivés des connaissances : breveter certains processus de l’entreprise, transformer la connaissance de certaines équipes et de certains projets en brevets (Canon et son photocopieur). Cela suppose d’intégrer les projets de management des connaissances à ceux de la propriété intellectuelle, ce qui est rarement le cas dans les entreprises que nous avons étudié.
- Piloter la valeur des produits issus de la connaissance. La question du calcul et du pilotage des actifs immatériels est ici soulevée. La spécificité d’un actif immatériel doit s’apprécier en fonction de la fréquence des transactions dont il fait l’objet ou de sa capacité à engendrer, même virtuellement, une contrepartie. Ainsi l’utilisation d’un actif immatériel peut être considérée comme une transaction portant sur cet actif. Les actifs immatériels peuvent être considérés comme un stock dans la mesure où il est possible de les conserver, mais leur évaluation ne devient possible qu’à travers les transactions potentielles qu’ils sont susceptibles de générer. Par exemple, un homme monnaye ses compétences techniques contre rémunération (Duizabo & Guillaume, 1996). L’évaluation des actifs immatériels peut se réaliser selon quatre méthodes de calcul :la méthode des coûts historiques, la méthode des bénéfices (ce que ça peut rapporter), la méthode de la prise en compte des transactions et la méthode des redevances futures actualisées.